La réassociation dans les troubles alimentaires.
Sophie Cohen ; psychologue ; rédactrice en chef de la revue « Hypnose et thérapie brève »
Le thème de la réassociation est souvent peu traité. On parle et on écrit volontiers de la dissociation en hypnose. La dissociation est utile dans nombre de situations où, par exemple, des soins génèrent de la douleur. Dans un ensemble de pathologies, savoir si une personne est dissociée ou associée n'est pas pris en compte ; alors que la dissociation spontanée peut représenter une protection naturelle dans les premiers temps d'une situation, elle devient pathologique si elle s'inscrit comme une façon d'être dans la durée. Se dissocier, « se retirer » de son corps, est un processus naturel utile dans le cas de traumatismes, de douleurs, car en effet ce processus permet de se protéger et/ou parfois de conserver ses capacités d'action. Cependant, rester dans cet état de dissociation entraîne le retrait de son corps, de soi, et de ce fait coupe de toutes informations qui sont envoyées par les systèmes complexes du corps.
Le thérapeute en hypnose lors de la première consultation peut avoir en tête d'explorer dans quel état de dissociation ou non arrive le patient.
Face à des personnes qui souffrent de troubles alimentaires, le thérapeute explore le monde du patient et vise à comprendre la façon dont son monde fonctionne. Bien souvent à l'issu de cette première rencontre, on constate que la personne est dissociée, elle n'est plus en relation avec son corps ; par exemple, à la question : « à quel moment mangez-vous ? », la réponse est : « lorsque c'est l'heure », « lorsque mes collègues, amis, famille passent à table » . On peut s'étonner : « Ok, vous mangez lorsque les autres se nourrissent ou ont faim ou lorsqu'il est l'heure convenue, est-ce bien cela ? » ; Quelqu'un d'associé à ses sensations aurait dit, par exemple : « je ne mange que si mon corps à faim », « que mon ventre gargouille », « que j'ai une baisse de vigilance », « que je commence à avoir mal à la tête » ou encore « que je deviens irritable ». dans ces cas là, on sait par les réponses formulées que la personne est associée, attentive à ses sensations. De la même façon, on va explorer dans quelles situations la personne ayant des troubles alimentaires mange. Si la réponse proposée est une de celles-ci : « lorsque j'ai peur, lorsque je suis en colère, que je suis contrariée, lorsqu'il y a du monde, lorsque j'ai le spleen, lorsque je m'ennuie, que je suis seule... », on entend que la personne utilise la nourriture dans un but différent de celui de nourrir son corps.
En hypnothérapie, nous allons proposer, en fonction des situations évoquées par la personne accompagnée, différentes solutions adaptées à son contexte ;
il s'agit en effet de manger si le corps a faim. Manger dans un autre contexte, un contexte émotionnel, par exemple, alors que le corps n'a pas faim, serait manger de façon erronée et s'éloigner (se dissocier) encore davantage de son corps.
Comment est-il possible d'aider ces personnes à se réassocier en séance d'hypnose ?
Dans un premier temps, on va inviter les personnes à sentir progressivement les sensations présentes dans les différentes parties de leur corps depuis les pieds jusqu'à la tête. Les zones fraîches, les zones chaudes, lourdes ou légères, les fourmillements, les tiraillements , les zones sans aucunes sensation ce qui est déjà une sensation. A la fin de la séance, on demande au patient ce qu'il a ressenti. Question difficile car la plupart du temps les personnes répondent : « je pense que... ». Le but de cette séance est d’amener les personnes à se réassocier, à réinvestir et à être à l'écoute de leur corps, à nous parler de leur vécu corporel, de leurs sensations.
Dans les séances qui suivront, on continuera à approfondir l'accueil des sensations et on décollera progressivement la personne de ses fascinations face à certains produits, on décollera la personne des habitudes de consommation. On réassociera la personne à être attentive à elle-même. Et retrouver sa pleine liberté. Il ne s'agit de faire aucun évitement. En effet, on sait bien que tous les évitements conduisent à faire de excès incoercibles. Il s'agit de manger en se faisant plaisir et en faisant plaisir à notre corps respecté et aimé pour tout ce qu'il nous permet de faire. On va l'aider dans son fonctionnement, l'alléger de sorte qu'il fonctionne bien que nous ayons du plaisir à être et à vivre.
On va également permettre à la personne de ressentir plus de liberté et de légèreté par rapport aux situations dans lesquelles elle se sentait contraintes par des habitudes et des choix qui ont pu être adaptés et utiles à un moment donné et se sont avérés toxiques plus tard dans d'autres situations.
On peut également, avec certaines personnes pour qui cela est utile, la réassocier à son image, à toutes les parties de son corps en les sentant vivantes. Il arrive d'observer dans les cas de dissociation un rejet du corps qui amène la personne à détester son corps et à se détester. Il ne s'agit pas d'aimer passionnément notre corps, mais d'aimer les fonctionnalités de notre corps qui nous permettent d'être vivant. Il s'agit de venir en aide à tous les mécanismes de notre corps, de se sentir vivre. Il ne s'agit ni de se sur-nourrir ou d'affamer notre corps, c'est une erreur, ce n'est pas l'objet de la vie. On amène la personne à se regarder, à s'aider en adaptant son alimentation, les soins réalisés à son corps, l'habillement. A aimer ce que son corps lui permet : rencontrer, aimer, ne pas aimer, faire du sport, lire, peindre...
Pour conclure, on peut souligner combien la réassociation en hypnose est utile dans les troubles alimentaires, elle est l'un des éléments qui permet d'aller dans le chemin du changement.